5 Octobre 2025
A Piolenc dans le Vaucluse, des panneaux solaires au domaine expérimental de la Chambre d'Agriculture.
Avant d’aborder le fond du sujet, il nous faut conter l’histoire de cette plante et camper la situation actuelle du vignoble mondial.
Puis, nous passerons en revue les moyens oenoviticoles mis en œuvre (culturaux, nouveaux cépages…) pour répondre au Réchauffement Climatique (R C) actuel et à celui qui est communément annoncé dans les décennies à venir.
On évoquera la question cruciale de savoir s'il est opportun de garder nos grands cépages ou bien de les remplacer par des cépages sudistes
Origines de la vigne
Lors des grandes glaciations du quaternaire, la vigne sauvage ou lambrusque (vitis vinifera sylvestris), apparue au début du tertiaire (paléocène) - 55 M (millions) a. B P (Before the Present), trouve refuge dans le Caucase et le pourtour méditerranéen.
A la suite du dernier réchauffement post glaciaire, à partir de -12 000 B P, elle remonte vers le Nord et se stabilise autour du 45ème parallèle.
Liane unisexuée (dioïque : vignes mâles et vignes femelles), la vigne pousse en forêt le long des arbres, produit des raisins comestibles mais peu sucrés et acides.
Homo sapiens, arrivé d’Asie vers -50000 B P (1), va lentement se sédentariser, se regrouper en communautés et inventer l’agriculture, tout en restant encore longtemps un chasseur-cueilleur.
Les fouilles (poteries, pépins…) réalisées dans le Caucase et plus particulièrement en Géorgie, font remonter les origines de la vigne et du vin à -7000 B P. En faisant bouturer des sarments, les premiers vignerons sélectionnent les meilleurs sujets (hermaphrodisme (2), goût du raisin, qualité du vin, adaptation au sol et au climat…) et créent les ancêtres de nos cépages du genre vitis vinifera (3).
Diffusion de la vigne en Europe
Le lent réchauffement de la planète profite à l’extension de la vigne. Après avoir conquis le monde égyptien, puis grec... et acquis ses lettres de noblesse sous l’empire romain, cette dernière remonte vers le nord de l’Europe. Les coteaux bien exposés de grands fleuves français se couvrent de vigne. Le vignoble de Bordeaux nait dans la ville nouvelle, à l’intérieur de nos boulevards actuels, au 1er siècle après J C, par le truchement du patrimoine foncier de l’église catholique. Le terroir n’est autre que celui des Graves ou du Médoc, propice à la viticulture.
On a la preuve archéologique (4) de la date d’apparition de la vigne dans Burdigala par la disparition des amphores romaines et catalanes, de forme allongée, et l'apparition d’amphores gauloises de forme ronde, ayant contenu le vin local.
Les nombreuses églises paroissiales (5), les couvents et les monastères (6), érigés aux abords de la vieille ville tout au long du Moyen Age (M A), marquent une accélération dans le développement du vignoble originel bordelais.
A partir du II siècle, la vigne pousse dans la vallée du Rhône, en Bourgogne puis successivement en Loire, en Champagne et en Alsace au IV siècle.
(1) Après avoir quitté l’Afrique entre -150 000 B P et -100 000 B P
(2) Le génome de la variété sauvage, séquencé en 2020, a permis de comprendre comment la mutation de sept gènes a provoqué le passage d'une espèce dioïque (individus mâles et femelles) à une espèce hermaphrodite, la vigne cultivée.
(3) Le genre vitis comprend aussi un groupe de vignes américaines (30 espèces) et un groupe de vignes asiatiques (55 espèces). La qualité de leurs raisins n’étant pas en général, à la hauteur de Vitis vinifera, peu sont cultivées sauf comme porte-greffe ou bien pour réaliser des croisements (hybrides).
(4) Aux origines du vignoble bordelais, F. Berthaut, Ed. Feret, 2000
(5) Sainte Croix, Sainte Eulalie, Saint Seurin, Saint Pierre, Saint Michel, Sainte Catherine, Saint Paul, Saint Eloi…
(6) Carmes, Augustins, Cordeliers, Clarisses, Dominicains, Chartreux…
Mondialisation de la vigne et du vin
Les missionnaires chrétiens (franciscains en Californie, dominicains en Amérique du Sud, jésuites en Asie…) – le vin rouge, ou sang du Christ, est nécessaire pour la célébration de l’eucharistie – autant que les conquistadors et autres émigrés (protestants chassés d’Europe…) vont répandre la vigne européenne, souvent française, sur tous les continents.
Sur 120 pays produisant du vin, 35 possèdent aujourd’hui 99% de la surface mondiale : 8 M ha dont 4 M en Europe, le vieux continent viticole.
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La contrainte climatique (température et disponibilité en eau) rassemble les pays viticoles de l’hémisphère nord entre deux latitudes extrêmes : 50° au nord et 30° au sud (l’inverse dans l’hémisphère sud). Au nord (au sud pour l’hémisphère sud) de cette limite, la vigne gèle ou ne mûrit pas ses raisins complètement, et plus au sud (au nord dans l’hémisphère sud), chaleur et sécheresse menacent sa survie.
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Vignes enterrées l'hiver au nord de la Chine (Mongolie intérieure)
A partir de 1990, l’engouement généralisé pour le vin encourage des plantations dans nombre de pays du Nouveau Monde (N M) qui voient doubler leur superficie plantée.
Marqueur identitaire, le vin est une source de richesse et un produit culturel à connotation hédoniste et à forte charge symbolique : le culte chrétien, l’extase communiquée par l’alcool…
Comme les cépages endémiques de ces nouveaux pays viticoles n’ont pas toujours la valeur gustative et surtout historique des cépages de la vieille Europe et principalement de France, ces derniers vont tout naturellement s’exporter.
Les cépages français devenus internationaux
Sur les 10 000 cépages répertoriés dans le monde, 6000 sont des cépages de cuve ; les autres sont réservés au raisin sec pour la table ou à la distillation.
13 variétés majoritairement françaises couvrent 30% du vignoble mondial et 33 en constituent 50%.
300 cépages sont autorisés en France, dont 115 en blanc, cultivés dans les 363 A O C, les 74 Indications Géographiques Protégées (I G P) qui couvrent 90% du vignoble français.
Ceux non autorisés peuvent être cultivés pour la production de Vin de France, alias Vin Sans Indication Géographique (V S I G), l'ancien Vin de Table.
Certains d’entre eux, dits cépages internationaux, participant au renom des vins français, sont importés dans la plupart des vignobles mondiaux : cabernet sauvignon, merlot, chardonnay...Ils font partie des cépages les plus cultivés. D’autres (syrah, grenache noir, sauvignon blanc, pinot noir, chenin… malbec de Cahors, tannat d’Irouleguy et de Madiran…) trouvent aussi, hors du berceau originel, d’autres lieux pour les accueillir.
La fierté de cette diffusion « hors les murs » de nos cépages historiques le dispute à la désillusion face à la concurrence d'une production étrangère portant sur l’étiquette le nom de nos cépages. Elle concurrence surtout la production nationale de base.
Ci-dessous les surfaces (en milliers d'ha) des principaux cépages français dans le monde et en France, dont Bordeaux et Bourgogne (col. de droite).
Monde France
Cabernet Sauvignon 340 1 53 25 Bx
Merlot 270 2 115 68 Bx
Chardonnay 210 3 54 20 Bg
Syrah 190 4 70
Grenache N 200 5 95
Sauvignon B 130 6 30 10 Bx
Pinot Noir 115 7 30 9 Bg
Chenin 40 8 10
(1) 60 Californie ; 40 Chili ; 35 Australie ; 15 Afrique du Sud (AFS)
(2) 50 Californie ; 10 Chili ; 10 Australie ; 10 AFS ; 6 Argentine
(3) 40 Californie ; 25 Australie ; 10 Chili ; 10 AFS
(4) 40 Australie ; 10 Argentine ; 10 AFS
(5) 100 Espagne
(6) 15 N Z ; 10 Chili ; 10 AFS
(7) 20 Californie et Oregon ; 10 Allemagne ; 5 Australie ; 5 AFS
(8) 20 AFS
* le solde 10% concerne les V S I G, les Vins Sans Indication d’Origine, les anciens Vins de Table.
Les moyens d’adaptation au Réchauffement Climatique
Les trois éléments du R C avec la croissance
- des moyennes des températures diurnes et nocturnes (de 1 à 8°C d’ici la fin du siècle selon les modèles prospectifs !),
- du rayonnement solaire (U V et I R)
- de l’intensité du déficit hydrique (sécheresse)
amènent la viticulture mondiale à prendre des mesures pour en réduire les effets.
Les leviers de l’adaptation commandent de retarder la maturité du raisin par différents moyens culturaux ou bien en modifiant l’encépagement voire le porte greffe.
Ils associent une voie conservatrice adaptative et une voie innovante fondée sur des promesses technologiques avec l'idée « d'innover pour rester ».
Il s'agit de
- protéger les raisins du soleil,
- repousser les stades du développement de la vigne par des moyens culturaux afin que les raisins ne mûrissent pas en pleine canicule,
- replanter des cépages tardifs lorsque le cahier des charges des A O C le permet
- contenir le degré alcoolique par différents procédés oenologiques.
1/ Réduction des récoltes avec baisse de rendement
Avec corrélativement une augmentation du degré alcoolique au-delà de 14°B, accompagnée souvent d'une baisse de l’acidité et d'une modification des précurseurs d'arômes.
Ce qui peut confiner à une amélioration de la qualité, tel que le constate Cornelis van Leeuwen, chercheur enseignant à Bordeaux Sciences Agro et à l’Institut Supérieur de la Vigne et du Vin : « Les millésimes les plus secs sont considérés comme les plus qualitatifs ».
Tout comme l’œnologue consultant Eric Boissenot qui affirme que, les mauvaises années - froides, humides - se raréfiant, les vins déficients (acides, végétaux, maigres, durs…) sont beaucoup moins fréquents, et que la qualité des vins de Bordeaux profite de façon incontestable du réchauffement climatique. Faut-il néanmoins, ajoute-t-il, veiller à ne pas aboutir à une modification du style des vins (profil aromatique, équilibre gustatif…) qui les ferait ressembler à certains vins exubérants du N M issus de nos cépages.
2/ Pratiques culturales et oenologiques nouvelles
- Tailler tardivement (février, début mars) ;
- Elever le tronc et d’autant la végétation afin que les raisins aient plus de fraîcheur ;
- Tailler en gobelet, à la façon de vignobles sudistes comme Chateauneuf du Pape (sans palissage) ;
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- Ne pas effeuiller ;
- Ne plus labourer (ou du moins que superficiellement pour éviter l’évaporation et ne pas menacer la faune aérobie*) et enherber, soit avec la flore naturelle, soit avec des graminées ou des légumineuses choisies en fonction du sol et des besoins de la vigne ;
* Outre les petits mammifères (campagnols, mulots, taupes…) on citera les principaux représentants de la macro-faune, dont le nombre varie de 100 à 108 par m2 (sur 20 cm de profondeur) : vers de terre ou « intestins de la terre » (annélidés et nématodes) ; arthropodes (araignées, micro-crustacés, fourmis, myriapodes, insectes…). Quant aux représentants de la microfaune, leur nombre par gramme de terre peut varier de 1000 à 104 pour les algues, à 105 pour les protozoaires (amibes, ciliés, flagellés), à 106 pour les champignons (dont les mycorhizes) et à 109 pour les bactéries.
- Introduire des arbres (agroforesterie), des fruitiers en général, qui amènent de l’ombre, de la biodiversité et de la matière organique (feuilles) ;
- Cultiver en Bio, ce qui serait à même de libérer la plante de la perfusion de molécules de synthèse (anti-mildiou), et à même de l’autonomiser dans ses défenses naturelles pour mieux résister à la chaleur et à la sécheresse ;
- Pratiquer la sélection massale dans la parcelle de sujets résistants aux maladies et au R C, pour remplacer les pieds morts ou improductifs ;
- Replanter avec des cépages tardifs. A Bordeaux le discours dominant consiste à favoriser le cabernet-sauvignon, le cabernet franc et le petit verdot, au détriment du merlot.
Mais tout le monde n'est pas d'accord sur l'idée de vouer le merlot aux gémonies. Axel Marchal, chercheur à l'Institut Supérieur de la Vigne et du Vin (I S V V), nuance : « Regardons comment le merlot a résisté en 2022 ».
Ne parlez pas aux Bourguignons de remplacer leur pinot noir et leur chardonnay puisqu'ils n'ont droit qu'à ces deux cépages, sauf à produire des VSIG en Bourgogne !
L'implantation de porte-greffes tardifs (420 A) et résistants à la sécheresse (110 Richter, 140 Rugieri) est un moyen de s’adapter sans modifier les cépages ;
- Irriguer : pratique interdite en France sauf dans le Midi, ou ailleurs par dérogation pour une jeune vigne en danger.
Le goutte à goutte en profondeur est préférable à l’écoulement de surface qui favorise la remontée des racines et les empêchent de coloniser le sous-sol voire la roche mère en profondeur (effet terroir). Dans le meilleur cas le système est couplé à une mesure de l’évapotranspiration (E Tp) du feuillage pour déclencher et arrêter automatiquement l’écoulement.
Outre le manque d’eau à proximité des parcelles et la nécessité de l’économiser (bien commun), l’irrigation n’apparait pas comme une action durable ;
- Installer des panneaux photovoltaïques au-dessus des vignes (essai en Vaucluse, voir photo supra) pour faire écran, et dont l’orientation est auto-régulée par les besoins de la vigne (mesure E Tp) ;
- Prendre des mesures œnologiques pour limiter le d° alcoolique.
Le vigneron a trois moyens à sa disposition
a/sélectionner des levures moins efficaces qui demandent plus de 19 g/l de sucre pour obtenir 1° d'alcool (= 1%) le rendement normal des levures,
b/désalcooliser par osmose inverse,
c/mouiller (ajouter de l’eau), ce qui est interdit par la loi, mais qui se pratiquerait en cachette !
L’équation entre qualité et richesse alcoolique réduite est difficile à résoudre. Depuis des décennies on a cherché à concentrer les vins dans un souci d’amélioration de la qualité (richesse de l’odeur et du goût) pour répondre à la demande des consommateurs. Cette recherche a cependant abouti à des vins de plus en plus alcoolisés, pouvant dépasser 15°B, ce qui va à l’encontre des équilibres gustatifs et d’une certaine éthique sanitaire.
3/ Mesures adaptatives lors de nouvelles plantations
- Réoccuper des parcelles parfois abandonnées, orientées à l’est voire au nord
- Orienter les rangs N E/S O pour minimiser l’effet du soleil de l’après-midi, et si possible en travers de la pente pour retenir l’eau, ce qui n’est pas toujours conciliable ;
- Complanter différents cépages autorisés dans la même parcelle comme c’est le cas en Alsace (Marcel Deiss et fils) ou à Bordeaux (cuvée « Un grand Amour » de O et P Bortoli à Macau). Outre la finesse remarquable des vins, le mélange variétal prétend mieux résister aux maladies et au R C.
4/ Pouvoir d'adaptation des cépages en place
La vigne (et son porte greffe) possède dans son patrimoine génétique les moyens de s’adapter jusqu’à un certain niveau (1), aux conséquences du R C. Cette plasticité doit évidemment être accompagnée par toutes les mesures ci-dessus évoquées, dont la modification de l’encépagement quand c’est possible, comme à Bordeaux qui a la chance de cultiver plusieurs cépages en rouge et en blanc.
Les A O C tributaires d’un seul cépage (pinot noir et chardonnay en Bourgogne, syrah au minimum 80% en Côte-Rôtie etc.) n’ont pas pour l’instant d’autres choix que de prévenir les effets du R C à la vigne ou au chai.
La France possède les cépages les plus plantés dans le monde, dont particulièrement ceux de Bordeaux (2), et produit parmi les vins les plus réputés. Il est bien naturel, avant de penser à les remplacer, de tout faire pour les adapter au R C tant il a fallu de siècles pour les sélectionner et les adapter à nos différents terroirs.
La qualité remarquable de quelques vins de cabernet-sauvignon en Californie (Napa Valley surtout) ou ailleurs dans le N M, sous un climat tempéré plus chaud voire subtropical, beaucoup plus sec qu’en Gironde, rendant l’irrigation obligatoire, nous laisse croire qu’il reste de belles années aux cépages bordelais in situ.
(1) Il est possible de mesurer la tolérance à la sécheresse, qui provoque l’embolie (une pression hydraulique négative de la sève qui induit une entrée d’air, donc des bulles qui bloquent sa circulation) à l’aide d’un appareil : le cavitron et maintenant le super cavitron (Sylvain Delzon, Bordeaux-Aquitaine, Unité Biodiversité, Gènes et Communautés).
(2) Sauvignon blanc identifié au XVIII siècle en Loire et à Bordeaux. cabernet franc (bouchet), vieux cépage provenant du pays basque, ayant été la mère (ou le père ?) de nos grands cépages bordelais. Merlot identifié au XVIII siècle, croisement du cabernet franc et de la magdeleine noire des Charentes. Cabernet-sauvignon, identifié dans les Graves et le Médoc au XVII siècle et dénommé "petite vidure", croisement de cabernet franc et de sauvignon blanc
5/Installation de vignobles plus au Nord (plus au sud pour l’hémisphère sud).
Avant le développement des transports, la vigne remontait vers le nord et proliférait autour de Paris. Elle y fut chassée par la concurrence qualitative des vignobles sudistes et parallèlement par le développement des transports routiers. De nombreux terroirs septentrionaux français restent certainement à (re)découvrir, tout comme des terroirs en altitude sur les contreforts alpins, pyrénéens ou du Massif Central, qui pourraient à l’avenir accueillir nos grands cépages.
Depuis l’an 2000, la vigne qui s’y trouvait de façon anecdotique se répand vers le nord de l’Europe : Belgique 200 ha, 5 domaines ; Angleterre 3200 ha, 500 domaines ; Hollande 300 ha, 200 domaines ; Danemark 50 ha, 10 domaines ; Suède 125 ha, entre 50 et 100 domaines ; Norvège 10 ha, 1 domaine à 400 km du pôle Nord.
Nombre de ces domaines sont dévolus à une consommation domestique, non commercialisée, et cultivent, plus on va vers le nord, des hybrides résistants au froid : des variétés de vitis vinifera (vignes européennes) croisées avec des vitis riparia (Etats-Unis) ou des vitis amurensis oriental (Chine, Russie). Ces dernières pouvant résister jusqu’à – 40°C à condition d’être enterrées pendant l’hiver (voir les deux photos supra).
Par ailleurs, les vignobles du N M donnent l’exemple de production de grands vins en altitude.
Au nord de l’Argentine, dans la région de Salta, le vignoble de la petite ville de Cafayate culmine en moyenne à 1700 m et certains domaines montent jusqu’à 3000 m.
A Socaire, au Chili, dans la vallée qui donne sur le désert d’Acatama à 3600 m d’altitude, Ayllu est le plus haut vignoble du Chili sinon du monde.
Au sud-ouest de la Chine, Moët et Chandon (L V M H) a choisi de planter du cabernet-sauvignon et du cabernet franc dans l’Himalaya à 2600 m d’altitude, dans le but de produire le plus grand vin de Chine : Ao Yun (2019 : 350 €).
6/ Implantation de nouveaux cépages résistants
A/Des variétés tardives adaptées à la chaleur, à la sècheresse, si possible résistantes aux maladies et qui produisent déjà de grands vins.
- 30 A O C et 13 I G P du Sud-Ouest (12 départements hors Gironde, 60 000 ha) sont un creuset de cépages oubliés à cause de leur concurrence historique vis à vis des vins de Bordeaux - les vins du Haut Pays avaient interdiction d'entrer dans le port de Bordeaux avant la Saint Martin (11 novembre) - , et à l'époque trop tardifs voire au potentiel alcoolique insuffisant.
Soit 29 cépages autorisés (sur 130 recensés) :
. rouge : castets, fer servadou, duras, negrette, tannat (Irrouleguy, Madiran..
. blanc colombard (Cognac), len de l’el ("loin de l’œil", Gaillac), gros manseng et petit manseng (Jurançon), mauzac (Gaillac)...
- Cépages rouges du sud de la France tels que carignan, grenache, mourvèdre, syrah
- Cépages rouges issus du pourtour méditerranéen comme le tempranillo (Espagne) ou le touriga nacional (Portugal).
Le projet VitAdapt (pour Vitis Adaptation), initié en 2007 au domaine INRA de la Grande Ferrade à Villenave d’Ornon (33) sur une parcelle au sol graveleux, se propose d’étudier le comportement des cépages bordelais dans un contexte climatique changeant, ainsi que l’adaptation et le potentiel d’éventuels candidats à une introduction dans l’encépagement local ; soit 52 cépages différents, dont 21 cépages blancs et 31 cépages rouges. Parmi eux : les cépages bordelais actuels comme référence, mais aussi des cépages français (Languedoc) et étrangers (espagnols, italiens, grecs, portugais, bulgares, géorgiens, etc.).
En parallèle le projet GrefAdapt étudie 55 porte-greffes dont 30 français, greffés sur les cépages majeurs.
B/Des créations variétales par croisement de variétés vinifera
Plutôt que l’irrigation, l’avenir pourrait venir de la génétique. Il s’agit de rechercher à travers ces nouveaux cépages, un cycle végétatif plus tardif, donc une maturité reculée.
Le projet New Wine, développé dans dix régions viticoles françaises, s'appuie sur la recherche de nouveaux cépages résistants aux maladies et au R C par croisement de cépages vitis vinifera.
Avec la perspective d'adaptation au réchauffement climatique, l’I N A O vient d'autoriser à Bordeaux, à titre expérimental, l'introduction de nouveaux cépages (limitée à 5% de l'encépagement et 10% de l'assemblage) :
- cépages rouges
- arinarnoa (cabernet sauvignon x tannat)
- castets (origine sud-ouest)
- marselan (cabernet sauvignon x grenache)
- touriga nacional (origine Portugal)
- cépages blancs
- alvarinho (origine Portugal)
- liliorila (chardonnay x baroque, origine Tursan)
C/Des créations d'hybrides résistants, obtenus par croisement de vitis vinifera avec des vitis américaines ou asiatiques
Il ne s’agit pas de refaire des hybrides producteurs tels que ceux apparus après le phylloxéra et interdits en France, mais d’utiliser la technique génomique d’introgression par backcross (1). Elle consiste à introduire dans le génome de vitis vinifera des gènes de résistance aux maladies et ou au R C, de vignes sauvages américaines (vitis retundifolia) ou asiatiques.
A partir du séquençage de l’ADN, on peut sélectionner les gènes de résistance par marquage génotypique et les suivre chez le receveur. Ils ne constitueront par exemple, que 2% du nouveau génome de la nouvelle variété après 5 rétro-croisements.
Pour éviter le contournement naturel de résistance par une adaptation (mutation) du pathogène, la stratégie la plus efficace est de cumuler plusieurs facteurs de résistance dans une même variété (notion de polygénie).
- 16 vignes résistantes nouvelles sont issues de la collaboration de trois unités de recherche allemande, suisse et française (INRA de Colmar).
- 6 I G P, dont Pays d’Oc, ont intégré à titre d’essai les nouveaux cépages : floreal B, soreli B, bronner B, monarch N.
D’autres stations viticoles de recherche (INRA) travaillent sur le même sujet en rapport avec les besoins locaux. 113 cépages résistants sont actuellement plantés en Europe sur 300 ha.
(1) Le principe du backcross est de croiser un parent donneur du gène de résistance avec un parent receveur. L’hybride ainsi produit est recroisé avec le parent receveur et ainsi de suite. A chaque cycle, une partie du génome issu du parent résistant est éliminé (statistiquement, 50% en moyenne), et les individus n’ayant pas hérité du ou des gènes de résistance souhaités, ne sont pas conservés. Il faut 15 ans pour obtenir une nouvelle variété résistante.
Le défi climatique
Jusqu'où doit aller l'adaptation au climat pour les vignerons ?
La réversibilité d'un certain nombre d'actions envisagées ci-dessus ne met pas en cause l'avenir du vignoble, mais lorsqu'il s'agit d'implanter des cépages sudistes, il faudrait être absolument certains que des épisodes plus froids (minima climatiques) n'adviendront plus.
Chacun sait qu'en agriculture, surtout pérenne (viticulture, arboriculture...), le climat, sinon localement la météo, relève de la plus grande importance, souvent vitale pour la survie de l'exploitation.
A ce sujet, je me suis immergé dans la science climatique d'une grande complexité pour tenter de savoir si les émissions anthropiques vouaient la planète à un réchauffement inéluctable bien supérieur à ce que l'histoire naturelle nous enseigne.
Perdu parfois dans les ténèbres infligées par la physique (physique quantique, thermodynamique...), mais persévérant, j'ai lu depuis bientôt trois ans un grand nombre d'articles, de livres (une cinquantaine), visionné des vidéos, provenant de grands scientifiques climatologues qui s'opposent à la doxa « réchauffiste ». On les nommera « climato-réalistes » ou « climato-sceptiques » opposés à l'idée que les émissions humaines de gaz à effet de serre seraient la cause d'un réchauffement accéléré du climat de la terre.
J'ai finalement rejoint cette famille toujours grandissante de par le monde, ceux qui refusent d'admettre le R C d'origine anthropique.
Ce qui m'autorise à ne pas conseiller le remplacement de nos cépages bordelais et français en général par des cépages sudistes, au vu de prédictions climatiques alarmantes, mais de s'adapter, le maître mot de cet article.
Le dernier interglaciaire a duré 20 000 ans. Et si le nôtre, qui a débuté il y a 10 000 ans, s’avérait plus court ?
Et si au cours de ce dernier, advenaient comme par le passé, des minima thermiques comme celui que nous avons connu entre 1960 et 1990, dont témoignent en France de nombreux mauvais - froids - millésimes ?
Ou comme des minima plus anciens : de - 600 à - 200 av. J C, puis après le maximum romain, le Dark Age Cold Period de 600 à 900 et après le maximum du MA, le Petit Age Glaciaire.de 1300 à 1850.
En tout état de cause, je ferai mien le propos du Pr Eric Verrecchia, géographe-physicien, géologue, spécialiste du carbone, à l'Université de Lausanne :
"Tant que l'on n'a pas la certitude que quelque chose va se produire, on ne change rien, au risque d'obtenir un effet contre-productif. C'est ce qu'on appelle le principe de précaution"
C'est au doute vis à vis de la doxa réchauffiste voire à son opposition auxquels nous invitent les publications de grands scientifiques de tous les pays, que nous consacrerons l'ouvrage (260 p) à venir sur ce blog (1)
Réchauffement climatique : CO2, une cause inventée. Comment le GIEC a dévoyé la science.
Chacun en son âme et conscience (scientifique) - en évacuant autant que possible toute influence idéologique (écologique, politique...) - pourra se faire une idée comme j'ai tenté de le faire avec ce travail bibliographique, de l'immense complexité du sujet.
(1) par épisodes (15 environ, 1/mois) à partir d’octobre 2025.
Si vous n'êtes pas inscrit, je vous invite à aller sur le blog www.bordeauxclassicwine.fr et chercher la fenêtre à droite ou en bas en déroulant, pour mentionner votre mail et cocher « recevoir les N L ».
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Bibliographie
- L'effet de l'état hydrique de la vigne sur la maturation.
Cornelis van Leeuwen et al. Uni. Bordeaux, Bordeaux Sciences Agro - INRAE, ISVV- Villenave d'Ornon.
- Aromatic maturity is a cornerstone of terroir expression in red wine.
Cornelis van Leeuwen, J Ch. Barbe, Philippe Darriet et al, Uni. de Bordeaux, Bordeaux Sciences agro, INRAE, ISVV, 33882 Villenave d'Ornon
Œnologue-Consultant, critique indépendant, bloggeur
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