9 Avril 2015
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Bordeaux compte environ 9000 châteaux (1) mais il y en aurait plus du double si on en croit les étiquettes.
Légalement un cru n’a droit qu’à un nom de château. Ce nom est constitué le plus souvent d’un toponyme ou d’un patronyme ou bien des deux (2). Par une tolérance abusive, l’usage veut que le propriétaire puisse utiliser un autre nom de château pour son cru ou parfois même plusieurs, selon les marchés (3).
La meilleure qualité de la production d’un cru est réservée au grand vin, sa première étiquette. Le solde, en partie ou en totalité, constitue le second vin qui n’a donc pas droit normalement à la mention château. Une règle qui n’est pas toujours respectée au bas de la hiérarchie des appellations.
Le volume que le producteur ne souhaite pas vendre sous ses étiquettes habituelles (grand vin, second vin) est vendu en vrac (4) de deux manières possibles :
- sans nom de château, avec seulement le nom de l’appellation. Ce vin est destiné à l’élaboration d’assemblages - vin de la même appellation - pour les marques de négociants (5), sans la mention château bien sûr.
- avec un nom de château "clandestin". Afin de bénéficier de la fameuse mention « mise en bouteille à la propriété » le négociant peut aussi mandater un prestataire embouteilleur qui transporte son matériel au château pour faire la mise en bouteille sur place. Parfois le négociant possède lui-même ce matériel ambulant (6) et procède à l'embouteillage.
Ainsi commence le tourbillon des châteaux fictifs ! Pour avoir étudié pendant plusieurs années les offres de vin de Bordeaux des centrales d’achat de la grande distribution, j’ai constaté que nombre de châteaux, entre 3 et 20 € la bouteille, sont des châteaux fantômes. Après une apparition fugace sur le marché, on ne les revoit plus jamais !
Un conseil pour les amateurs de foires aux vins dans la grande distribution : ne pas se laisser abuser par des châteaux inconnus au nom parfois ronflant, même s’il s’agit d’une belle appellation communale (Pomerol, Margaux…) proposés à des prix défiant toute concurrence. Les marges substantielles de ces opérations de négoce savamment orchestrées compensent largement les pertes réalisées sur les crus classés et assimilés, souvent vendus au consommateur à prix coûtant (de sortie primeur), concurrence et vitrine obligent. Comme certains grands noms en 2009 ou 2010 proposés en ce moment dans les foires aux vins de printemps pour attirer les clients.
Avec les châteaux "Machin", pour ne pas dire "Bidon", on comprend mieux pourquoi la grande distribution peut se permettre de brader les grands crus.
Œnologue-Consultant, critique indépendant, bloggeur
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