25 Mars 2011
dernière actualisation 08/09/2016
AVERTISSEMENT
Ce long texte sur le bio traduit à la fois la complexité du sujet et son actualité, particulièrement ici à Bordeaux, où le train des conversions est en marche. On a souhaité appréhender les phénomènes naturels et les pratiques qui président à ce mode culture, en s’efforçant, au passage, de balayer quelques idées reçues. Il a fallu, en particulier, s’aventurer dans la compréhension la plus fine, sinon microscopique, des rapports entre le monde vivant du sol et sa partie minérale. A ce niveau, le propos risque de lasser le lecteur ; dans ce cas, nous lui suggérons de sauter le passage.
Tous nos remerciements à François DESPAGNE et Alain MOUEIX pour la relecture critique et éclairée de ce texte.SOMMAIRE
Pourquoi le bio ?
Historique
Les chiffres du bio
Les pratiques en viticulture bio - La vie intérieure du sol
Labour versus enherbement
Biodiversité de voisinage
La lutte biologique
Insecticides autorisés
Lutte contre le mildiou
Lutte contre la pourriture grise Conclusions sur les pratiques en AB
La Biodynamie
L’élicitation en viticulture
La conversion
Impact économique
La certification
Les Consultants
L’exemple de grands domaines français en bio
POURQUOI LE BIO (AB) ?
Libérer la vigne de l’assistanat chimique
La science triomphante d’après guerre a promu l’eldorado productiviste agricole encouragé par les magnats de la chimie et de la grande distribution ; répondant en cela à la demande accrue des masses urbanisées. En quelques décennies, la viticulture est passée d’un monde paysan à une génération de vignerons qui a jeté aux orties les us et coutumes de nos ancêtres avec le bon sens et la prudence qui allaient de pair. Cette révolution devait améliorer leur sort : moins de pénibilité (mécanisation), moins de maladies dans les vignes (chimie), plus de rendements (clones et engrais minéraux) tandis que l’œnologie entrait dans les chais pour pallier l’appauvrissement du raisin. De ce fait, le XXème siècle a connu la période la plus noire de l’exploitation des terroirs viticoles historiques.
Avec l’avènement de la chimie agricole, le concept ancien d’une viticulture autonome, particulièrement en matière de fertilisation, a basculé dans les années 60, vers celui d’une substitution : fournir à la plante ce qu’il manque en éléments minéraux prêts à être assimilés, les engrais (N, P, K), quitte à induire des déséquilibres nutritifs, fragiliser le végétal et polluer (les nitrates en excès ne sont pas fixés et migrent dans les nappes et les rivières). Les éléments du sol qui témoignent à part entière du terroir, sont occultés par l’exercice facile et dangereux, car souvent aveugle (sans analyse de terre), d’un apport d’engrais minéral De longue date, ce modèle agronomique de la fertilisation artificielle s’est avéré, surtout pour les cultures pérennes (viticulture, arboriculture), une grave erreur, nutritionnelle, économique, gustative et écologique.
De plus, avec l’effet conjoint de l’asphyxie consécutive au tassement par les engins de plus en plus lourds et de la toxicité des intrants (pesticides, engrais minéraux…), les sols sont devenus stériles, des hôtes inertes pour une plante assistée. On a oublié ou méconnu les rapports intimes du système racinaire avec la terre, ses microorganismes. Désintégrée d’un écosystème appauvri, la vigne, incapable de se défendre, est devenue la proie de maladies (mildiou, pourriture grise…), moins résistantes aux influences environnementales excessives (stress hydrique, carences diverses…) et d’une longévité deux à trois fois plus faible que par le passé (30 ans au lieu de 100). Le vin a perdu de sa richesse structurelle et de sa complexité. Cette désolidarisation du végétal avec une terre désertifiée a fortement encouragé l’assistanat chimique. Nourrie par le bas et perfusée par le haut avec des substances systémiques qui pénètrent le végétal et circulent avec la sève, la vigne est devenue incapable de se défendre. Le cercle infernal des traitements antifungiques de plus en plus violents vient de cette faiblesse endémique de la plante et de souches cryptogamiques de plus en plus résistantes. D’autant que la vigueur insolente de la vigne renforcée par ces perfusions aggrave sa vulnérabilité.
La chimie conduit à une impasse. Et pourtant malgré l’aveu d’une modération de façade par la culture raisonnée, la viticulture française consomme 20 000 tonnes de pesticides par an, soit 25% du tonnage national alors que la vigne ne représente que 3% de la SAU (surface agricole utile). Avec ses 80 000 tonnes pour l’ensemble de l’agriculture, la France figure au 1er rang européen, au 3ème rang mondial après les EU et le Japon et dispose pour ce triste record de 8000 marques commerciales de pesticides !
Une dangerosité avérée de la chimie
L’effet désastreux sur la vie des terroirs n’est rien comparé aux graves conséquences sur la santé humaine. La dispersion des molécules de pesticides est générale : dans le vin (les analyses en témoignent), dans le sol où elles tuent la vie (étymologie de pesticide), dans le végétal dont elles désorganisent la vie cellulaire (vigueur renforcée, maturation retardée), dans les nappes phréatiques et les cours d’eau, dans l’atmosphère (25 à 75%, selon le type de produit), sont disséminés dans l’air. Certaines villes proches des vignobles sont polluées. Il ne fait pas bon se balader dans les vignes au printemps quand les machines à grandes rampes fonctionnent à plein régime. Le danger le plus sérieux concerne bien sûr les utilisateurs, les vignerons, qui, protégés ou pas, font ce sale boulot. De nombreuses études épidémiologiques (MDRCF, PAN Europe, EPA, CIRC, MSA sur 6000 agriculteurs…) démontrent la fréquence - de 10 à 20 fois supérieure - de certaines maladies chez les agriculteurs (www.phyto-victimes.fr) : cancers, Parkinson, Alzheimer, malformations uro-génitales, infertilités, perturbations endocriniennes…. Les doses limites journalières de toxicité (DLT) pour les homologations ne veulent pas dire grand chose puisque les études sont menées par les firmes elles-mêmes sur les matières actives seulement, et donc sans les adjuvants qui potentialisent les effets ! De plus, il y a la bioaccumulation des polluants dans le tissu adipeux et la synergie entre eux : le tout étant bien supérieur à la somme des parties. Le principe de précaution imposerait l’arrêt immédiat de l’utilisation de la chimie de synthèse en agriculture.
La pression du consommateur
Comment sortir du système, de son confort, et démarrer une conversion à Bordeaux alors que le discours général, y compris celui des scientifiques influents, s’appuie sur la culture raisonnée ? L’INAO, censé garantir la qualité organoleptique des vins, ne s’est jamais soucié dans les décrets de leur qualité hygiénique, pas plus que des conditions environnementales. La position des « antibio » est incompréhensible sinon insupportable. L’argument de l’utilisation du sulfate de cuivre, seule parade au mildiou en viticulture bio, suffit à certains pour balayer la démarche. Car, en effet ce métal présente une certaine toxicité pour la vie du sol, mais pas pour l’homme. Les pesticides de synthèse qui dégradent autrement les sols, la santé des utilisateurs et exposent même les consommateurs, apparaissent autrement plus dangereux. Faudra-t-il attendre l’annonce médiatisée d’une catastrophe sanitaire telle que l’amiante, la dioxine des poulets, les hormones des veaux, les farines animales de la vache folle, les nitrates en Bretagne… ? Ou bien la publication dans la presse des vrais chiffres, encore cachés, de l’épidémiologie des travailleurs de l’agriculture ? Faudra-t-il attendre l’interdiction inéluctable et déjà en cours (programme européen Reach) de la plupart des matières actives ? La seule conscience vis-à-vis de l’héritage légué aux générations futures ne semble pas peser lourd.
La mission d’information du Sénat sur les pesticides vient de rendre ses conclusions en novembre 2012. Nicole BONNEFOY, sénatrice et rapporteur de la commission, constate :
1/ les risques sous-évalués car les tests sont à la charge du fabricant !
2/ une protection insuffisante des utilisateurs
3/ pas de suivi à long terme auprès des utilisateurs exposés
Ce rapport ne surprend personne puisque depuis longtemps on connaît les faits liés aux pesticides. Mais cette fois ce sont les politiques, relayant le souhait des consommateurs, qui s’attaquent aux pesticides. Leur suppression totale pour les productions agricoles va dans le sens de l’histoire.
La qualité organoleptique des aliments ne peut plus s’exonérer de la qualité sanitaire. Un bon vin doit l’être aussi pour la santé du consommateur et sa production ne doit pas exposer le vigneron, son entourage, ni l’écosystème. Sous la pression du consommateur, la transparence va devenir obligatoire avec, à terme, l’obligation de faire figurer sur l’étiquette tous les additifs, y compris ceux issus du raisin. Des analyses de la contamination du vin commencent à être publiées et seront bientôt livrées en pâture par la presse généraliste. A ce moment là, le retard pris pour éradiquer la chimie dans les vignes pèsera lourd sur la distribution.
HISTORIQUE
Avec ses deux ouvrages majeurs, Vérité et Science (1891) et La philosophie de la liberté (1894), Rudolf Steiner, médecin autrichien, pose les bases d’une philosophie nouvelle : l’anthroposophie. En 1917, il crée l’Université Libre des Sciences et de l’Esprit, le Goetheaneum, à Dornach près de Bâle. Sa réflexion, ses conférences (6000), ses livres (30) touchent entre autres à des questions pratiques : la médecine, la pédagogie, l’agriculture biodynamique. Dans une série de conférences aux agriculteurs, à Köberwitz en Pologne, il répond aux inquiétudes générées par la chimie. Il ouvre la perspective d’une approche globale, écologique dirait-on aujourd’hui, de l’agriculture, incluant les influences cosmiques. Par l’entremise d’un de ses disciples, le Dr Pfeiffer, nait la Biodynamie. Son ouvrage « Fécondité de la Terre » évoque toutes les interactions (équilibres) entre l’organique, le minéral et le climat, prélude au concept de biodiversité. Il encourage à l’abandon de la chimie pour le compost de végétaux, les engrais verts (légumineuses), le fumier et les préparations à base de plantes, brassées dans l’eau tiède et pulvérisées à doses homéopathiques.
En 1930 le Suisse Müller prône l’autarcie des agriculteurs et les circuits courts. Ces idées sont relayées en 1940, en Angleterre, par les théories de Sir Howard qui redonne à l’humus son rôle fondamental dans l’équilibre biologique des terres agricoles. A partir de 1950 l’agriculture biologique (AB) prend son essor en France face à l’inquiétude née de l’industrialisation de l’agriculture et des dangers sanitaires collatéraux. Deux courants se dessinent au travers d’une firme commerciale - Lemaire et Boucher, qui vend des intrants naturels - et d’une association indépendante de défense des consommateurs, Nature et Progrès. Le ton change en 1968 avec l’apparition du mouvement écologique encouragé par le premier choc pétrolier en 1973. On assiste à un retour à la terre que sous-tendent de grandes idées communautaires (Hippies, Larzac…). L’agriculture biologique démarre, avec l’apparition de cahiers des charges et de garanties de contrôle par des organismes, certifiés aujourd’hui par le Ministère de l’Agriculture. La profession s’organise et crée FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique et l’IFOAM, internationale. Confidentiel au début, souvent qualifié d’utopique ou d’instrument marketing, le bio se développe en 1990 avec sa reconnaissance par les pouvoirs publics, à un moment où la planète prend au sérieux les dangers de l’industrialisation à outrance et les effets de la pollution sur la santé des hommes.
LES CHIFFRES DU BIO
Avec 2,12% de la SAU cultivée en bio, soit 560 000 ha (2008), contre 3,9% pour la CE, la France est au 20ème rang mondial et au 5ème rang européen derrière l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne. En viticulture, le bio est encore marginal avec 3,3% de la surface (2008), 4% en 2014. En 2014, selon Agrobio, la surface viticole certifiée dépasse 14% en PACA, 13% en Alsace, 9% en Bourgogne, 8% en Languedoc – Roussillon, 5,2% à Bordeaux, 5% en Val de Loire.
Après le Grenelle de l’environnement, l’objectif du Ministère de l’Agriculture est de doubler les surfaces agricoles en bio d’ici 2012 et d’atteindre 20% en 2020. D’après www.Vitisphère, la progression devrait être plus rapide et le bio pourrait représenter 10% de la production en 2012 et 30% en 2020.
Il existe une charte européenne, Natura 2000, qui oblige chaque pays membre à créer un conservatoire de la nature entièrement bio sur 10 à 15% du territoire national soit, en France, 750 sites terrestres et 327 marins. Chaque région est censée satisfaire à cette exigence européenne. On en est bien loin. En Aquitaine, qui en a entendu parler ? Et pourtant 149 sites dont 52 en Gironde sont dédiés Natura 2000 pour être en bio ou le devenir en totalité…comme l’estuaire de la Gironde ! Seuls, 37 sont actuellement opérationnels.
Fin 2009 on compte 2500 ha certifiés en bio sur les 115 000 du vignoble bordelais, soit 2% de la surface, avec 439 exploitations. Le vignoble bordelais est à la traîne par rapport aux autres vignobles (10% du vignoble de la Côte d’Or sont certifiés en bio) et à la moyenne nationale : 3,3%. On note cependant 2900 ha en conversion et on prévoit une surface multipliée par quatre d’ici 2015. Le nombre d’exploitations en bio non certifiées seraient aujourd’hui du même ordre.
Prenons les chiffres de la progression 2014/2015 des pourcentages de la surface certifiée Bio agricole et viticole en France et à Bordeaux, comparés à la surface totale agricole en France et viticole en France et à Bordeaux :
% Bio agricole France 2014….4,14% 2015…..4,85%
% Bio viticole France 2014….8% 2015….9%
% Bio viticole Bordeaux2014….5,2% 2015…6%
On se rend compte que la progression est très lente. Voir le billet antérieur "Pesticides l'enfermement français"
PRATIQUES EN VITICULTURE BIOLOGIQUE
Avec un cahier des charges qui limite le nombre d’intrants naturels autorisés, la viticulture biologique se définit comme une production basée sur la recherche des équilibres naturels entre la plante, le sol et son environnement. Cette quête est d’autant plus importante que la vigne, quasiment monoclonale à Bordeaux depuis les gelées de 1956, est beaucoup plus sensible aux maladies et aux ravageurs que par le passé à cause de son insolente vigueur. Pour qu’elle retrouve son autonomie d’antan il faut s’intéresser de près aux deux facteurs fondamentaux des équilibres, complètement oubliés par la viticulture conventionnelle : la vie du sol (intérieure et de surface) et la biodiversité végétale de proximité.
Vie intérieure du sol
La vie intérieure des sols à vigne a beaucoup régressé avec l’usage de la chimie et le compactage dû au poids des gros tracteurs. Les viticulteurs ignorent souvent l’étendue de la faune – 90% de la faune terrestre est dans le sol - et de la flore qu’ils ont ou devraient avoir sous les pieds, ainsi que leur contribution respective à la bonne santé de la plante. La liste des hôtes de la couche arable est longue et spécifique du lieu, au sens où elle participe aux nombreux facteurs naturels de la définition du terroir. Outre les petits mammifères (campagnols, mulots, taupes…) on citera les principaux représentants de la macrofaune, dont le nombre varie de 100 à 108 par m2 (sur 20 cm de profondeur) : vers de terre ou « intestins de la terre » (annélidés et nématodes) ; arthropodes (araignées, micro-crustacés, fourmis, myriapodes, insectes…). Quant aux représentants de la microfaune, leur nombre par gramme de terre peut varier de 1000 à 104 pour les algues, à 105 pour les protozoaires (amibes, ciliés, flagellés), à 106 pour les champignons et à 109 pour les bactéries ! « Rapporté aux 20 premiers cm du sol, un hectare de terre agricole compte plus de 3 x 1018 bactéries et plus de 150 millions de km d’hyphes fongiques. En masse cela équivaut à une quantité de matière vivante microbienne de 5 à 50 tonnes par hectare » R. Chaussoud Labo. Microbiologie des sols, INRA Dijon. Les vers de terre (épigés en surface < 5 cm), plus profondément les endogés (< 20 cm) et les annélidés (de 10 à 110 cm), inégalables mineurs de fond jusqu’à 3m, sont des contributeurs majeurs et gratuits de l’activité agricole car ils recyclent les déchets, aèrent et fertilisent.
Les protagonistes du monde souterrain, la microflore en particulier, bactéries et champignons en tête, ont une fonction agronomique fondamentale.
Voyons comment tout ce petit monde cohabite et, s’il est bien entretenu, comment il devient l’allié de la plante pérenne cultivée comme la vigne. Le sol est la couche d’altération, d’épaisseur variable selon la profondeur, de la roche mère (calcaire, granite, schiste…). La terre arable, la plus superficielle, entre 20 et 60 cm selon les types, recèle la vie biologique la plus intense et la majorité des racines, même si certaines peuvent descendre beaucoup plus bas par les interstices rocheux. Formée de gaz (air), de liquide (eau), de minéraux et de matières organiques, elle est l’objet d’un entretien particulier (labours, enherbement).
Sa fraction minérale provient d’abord d’une désagrégation mécanique de la roche mère sous l’effet des intempéries ou des labours, en fragments grossiers (rhéxistasie). Ceux-ci subissent une altération chimique (biostasie), hydrolyse, décarbonatation, sous l’action de l’eau, du CO2 et de certains micro-organismes (mycorhizes). Des cations solubles (Ca++, K+, H+, Na+) sont libérés dans l’eau interstitielle ainsi que des argiles.
La fraction organique provient de la matière carbonée des êtres vivants et morts, animaux (déjections, cadavres) et surtout végétaux dont se nourrit particulièrement la flore. La matière végétale (lignine, cellulose) est dépolymérisée en molécules plus petites (monomères) qui empruntent deux voies :
1 La minéralisation, source de CO2, NH4+ + (ammoniac), NO3- - (nitrates), CO3- - (carbonates)
2 L’humification, qui est une re-polymérisation en composés organiques stables (acides fulvique, humique, humine) séquestrés par les feuillets argileux. Ce couple humus/argile, dénommé complexe argilo-humique (C A H), est le fer de lance de la fertilité des sols cultivés par ses fonctions de fixation et de largage de cations, d’azote, d’oligoéléments (Fe, Cu, Mn, Zn…), de rétention d’eau et de minéralisation secondaire.
La quantité d’humus stocké est la résultante de ces deux voies concurrentielles : minéralisation et humification, dépendantes du type de sol, du climat et de la quantité de matière organique.
Le complexe argilo-humique (CAH) intervient comme ciment de micro-agrégats (< 1µ) formés de débris végétaux et de bactéries, qui ménagent entre eux des micropores, hôtes privilégiés des micro-organismes et de l’eau. Celle-ci peut remonter par capillarité quand la vigne souffre de la sécheresse. Ces petites formations, regroupées à plusieurs, forment des macro-agrégats (> 50 µ) où l’on retrouve des fragments de roche et des débris végétaux ; le tout enserré par les hyphes fungiques. L’espacement plus grand dessine des macro-pores qui facilitent l’écoulement de l’eau et des éléments solubles vers la rhizosphère et stimulent la croissance des champignons et des radicelles. Plus un sol est aéré, meuble, plus nombreux sont les macro-agrégats (jusqu’à 70%) et plus forte est l’activité biologique.
Le CAH joue un rôle essentiel dans la structure du sol, ses propriétés mécaniques, hydriques et chimiques. Sa capacité à fixer des cations - la capacité d’échange cationique (C E C) - se mesure en milliéquivalent /100 g ; elle permet de connaître la taille du réservoir en éléments nutritifs et de savoir s’il faut procéder à des apports compensatoires de matière organique.
Parmi les nombreux habitants du sol portons un regard particulier sur les mycorhizes, ces champignons qui vivent en symbiose avec 90% des végétaux supérieurs (vascularisés). Ils développent un réseau de filaments mycéliens (hyphes) qui colonisent les radicelles – franchissent même la paroi cellulaire - et se propagent dans l’environnement racinaire avec la capacité d’altérer les minéraux et d’en extraire des éléments assimilables par la plante comme de lui fournir de l’eau en période de sécheresse. L’énergie qu’un pied de vigne produit par la photosynthèse n’est pas uniquement destinée à la croissance du feuillage, des rameaux, des racines ou des raisins, 30 % servent à la productions d’exsudats racinaires. Riches en hydrates de carbone (sucres assimilables), ils approvisionnent les mycorhizes, comme les autres micro-organismes de la biosphère. Cette association décuple l’exploration du sol, voire du sous-sol, par les racines, un atout lors d’un stress hydrique prolongé. Les pratiques polluantes ont anesthésié la vie microbienne et épuisé les sols en mycorhizes. On sait aujourd’hui doser le stock mycorhizien d’un sol et l’inoculer si nécessaire. L’enherbement en légumineuses est favorable à un repeuplement spontané.
L’agriculture biologique propose un autre processus d’alimentation : mobiliser les éléments présents dans le sol en stimulant la vie microbienne et par là même la minéralisation de la matière organique. C’est une volonté d’exprimer dans le fruit la « géochimie du terroir » ; un retour au concept ancien d’une viticulture autonome et propre mais avec le secours de connaissances et de moyens nouveaux pour y parvenir.
Labour versus enherbement
L’entretien du sol en surface a aussi été reconsidéré, eu égard à ses nombreuses interactions avec la vie intérieure du sol et de fait avec la plante et ses fruits. La plus ancienne pratique est le labour (chaussage, déchaussage, hersage…) afin d’avoir une terre propre, indemne d’adventices et un sillon central l’hiver pour enfouir les amendements. Il est souvent maintenu dans les cas où l’enherbement n’est pas indiqué mais d’une manière plus légère, moins profonde, sous forme de hersage et griffage. Dans certains types de terroirs on a abandonné partiellement ou totalement le travail systématique du sol au profit d’un enherbement. En plus de l’économie (main d’oeuvre, gaz-oil) et de la question environnementale (CO2), l’enherbement temporaire ou permanent, spontané ou par semis, total (y compris sous le rang), dans le rang seulement ou tous les deux rangs, présente, par rapport au labour, de nombreux avantages agronomiques bien supérieurs en général aux inconvénients : baisse de la vie microbienne de surface sur 10 cm, concurrence avec la vigne, risques de gelées printanières combattues par la tonte ou l’enfouissement à bon escient, risques de carence azotée des moût nécessitant une addition corrective.
Les avantages de l’enherbement
La protection contre l’érosion hydraulique (ruissellement) et éolienne. Passage possible après pluies abondantes sans affecter la structure (tassement)
L’amélioration de la structure du sol par l’action mécanique des racines qui décompactent et favorisent jusqu’à 60 cm la circulation de l’air et de l’eau, donc la multiplication en profondeur de la macro-faune (lombrics) et de la micro-faune (rhizobactéries et mycorhizes)
Le feutrage racinaire, la tonte ou l’enfouissement de l’herbe apportent la matière organique nécessaire à la faune pour la production d’un humus jeune et actif. De plus, certaines variétés fixent des éléments minéraux inutilisables directement par la plante (crucifères : K, Cu ; légumineuses : N et P) et qui le deviennent après enfouissement.
La réduction de la vigueur de la vigne est un des atouts majeurs de l’enherbement quand on connait la propension naturelle des clones actuels à produire beaucoup de matières végétales, y compris des fruits, occasionnant ainsi moins de travaux en vert qu’en culture conventionnelle. Cet impact quantitatif, particulièrement la réduction du nombre, du poids et de la compacité des grappes, a automatiquement un effet positif sur la qualité, sur la composition des moûts.
L’amélioration notoire de la résistance aux maladies par une fertilisation diversifiée, une baisse de la vigueur (microclimat plus ventilé dans la végétation, cuticule de feuille et pellicule de baie plus résistantes) et une symbiose accrue entre les micro-organismes, les racines et la plante toute entière.
Un biotope supplémentaire propice au gîte, au couvert, comme à la reproduction d’auxiliaires prédateurs.
Le choix d’enherber un vignoble demande de bien connaître chaque parcelle, l’état biologique du sol, sa richesse en matière organique et de définir ensuite les objectifs recherchés (concurrence, structure…). Mal adapté, il peut se faire au détriment du raisin et du vin (dureté et assèchement des tanins).
L’enherbement spontané.
Sa connaissance permet de comprendre les réactions du sol, son état physico-chimique ainsi que sa biodisponibilité minérale. En fonction de la vigueur, du type d’adventices naturelles, bio-indicatrices, on étudiera l’intérêt d’un couvert végétal naturel ou par semis.
L’enherbement par semis.
Après avoir défini la surface à semer, de façon temporaire ou permanente, la date du semis, la gestion du couvert (tonte ou enfouissement), on s’attache à choisir la ou les espèces et les variétés les mieux adaptées à l’objectif. Sachant que les micro-organismes ont besoin d’une nutrition équilibrée entre les hydrates de carbone lents (cellulose, lignine), rapides (sucres) et l’azote, on mélange des céréales (carbone lent), des graminées prairiales (carbone rapide) et des légumineuses pour l’azote. Les semenciers proposent différents assortiments : ½ à ¾ de légumineuses (luzerne, trèfle violet, escarpette, lotier corniculé, minette, gesse) associées à des céréales et des plantes mélifères pour attirer les auxiliaires. On tiendra compte des variétés à germination lente ou rapide, à enracinement superficiel ou profond, en mélange ou pas, des variétés basses fauchées une fois par an sous le pied… Il est établi qu’un couvert végétal peut induire une compétition avec la vigne pour l’eau (stress hydrique prolongé) et l’azote avec des effets parfois négatifs sur le rendement et la qualité. De nouvelles variétés moins concurrentielles (orge des rats, brome des toits, trèfle souterrain et rampant…) sont sur le marché. Le Délinat-Institut (www.delinat-institut.org en Suisse) propose des mélanges de 40 à 50 espèces différentes, essentiellement des légumineuses et des mellifères avec différentes profondeurs de racines et divers rythmes. Les légumineuses dont les racines fixent l’azote par l’entremise de bactéries, subviennent en totalité aux besoins azotés. Elles sont aussi favorables au développement mycorhizien qui décuple la rhizophère, l’interface entre les racines et les micro-organismes. Malgré la concurrence générée par le semis à forte proportion de légumineuses, l’alimentation en eau de la vigne s’améliore même durant les étés secs. Alors que la pratique de l’enherbement spontané, très courante en « bio », entraîne une concurrence avec la vigne. Un couvert semi-permanent peut résoudre aussi la question de l’équilibre entre la croissance végétative et la croissance reproductive. L’enfouissement ou le passage du Rolojack, un rouleau qui couche l’herbe sans sectionner les tiges, à bon escient, évite la concurrence au niveau du raisin.
Ce mode de culture est devenu une spécialité à part entière avec ses consultants, dont le recours, du moins pour une juste implantation, s’avère indispensable. Offrant un double avantage agronomique et environnemental, il est naturel qu’il soit mis en avant en bio.
Apport de matière organique
Malgré un enherbement, surtout sans enfouissement ou dans le cas du labour, en totalité ou alterné, un apport de matière organique ou minérale pourra être conseillé en cours de conversion. Sont autorisés les amendements suivants : compost fermier, copeaux d’écorce, écorce compostée, paille, algues ; farine de poisson, d’os, de sang ; calcaire, argile, phosphate et potasse de roche, sulfate de potasse…
Biodiversité de voisinage
Elle est le complément nécessaire de la biodiversité du sol en profondeur et de surface (enherbement éventuel, arbres fruitiers…). Il s’agit de créer ou d’améliorer une biodiversité végétale aux abords des parcelles, garante d’un peuplement suffisant d’auxiliaires, capable de contenir des attaques de ravageurs. Car la prolifération d’une espèce nuisible est le résultat d’un déséquilibre de la faune qui n’a pu s’opposer à son développement. En « bio », l’application d’un insecticide doit être le dernier recours, c’est comme la chirurgie en médecine. Une diversité suffisante de la faune doit empêcher l’émergence durable d’une espèce au détriment d’une autre. Chaque exploitation devrait idéalement avoir 5% de la SAU consacrés à des zones de compensation écologique :
Allées en bordure de parcelles ou « tournières » enherbées naturellement ou avec des espèces florifères différentes (légumineuses, crucifères, ombellifères…) qui pourront monter en graine et se maintenir.
Haies : 20 m/ha minimum. En plus d’être coupe-vent et de réduire l’évapo-transpiration de la terre, elles sont les hôtes privilégiés des auxiliaires. On s’orientera vers une diversification des espèces (max. 30% / espèce), ½ feuilles caduques, ½ persistantes, locales (réintroduire des espèces disparues), rustiques, ni décoratives, ni exotiques, en proscrivant l’acacia, le genêt, l’aubépine. Taillées sur les 3 faces, de septembre à mars, les haies sont conduites à 2 m de haut maximum.
Friches et prairies naturelles ou semées (2 ha) d’un mélange de légumineuses et de graminées.
Murets, talus, fossés, mares… entretenus, qui seront le refuge de reptiles, batraciens et petits mammifères et un lieu de nidification pour les insectes, les oiseaux et les abeilles sauvages.
Arbres fruitiers variés, espèces et variétés locales (un arbre / ha, moins de 50 m entre 2 arbres, en bout de rang) : pêcher, cognassier, amandier, pommier, prunier, cerisier, noyer…noisetier et cornouiller (hôtes privilégiés d’Anagrus atomus)
Arbres d’essences diverses locales selon la nature des sols, feuillus et persistants
« Hot spot » biologiques, deux zones 10 à 20 m2/ha sous les arbres ou en bordure de parcelles, semés d’herbes sauvages aromatiques et de fleurs sauvages
Ruches : minimum 10 pour la pollinisation…et le miel
Dans cette diversité végétale, les auxiliaires vont pouvoir se multiplier, trouver un refuge et une source de repeuplement en cas de traitements insecticides.
La liste des auxiliaires, hôtes favorables, prédateurs des ravageurs, est longue. Les oiseaux, les reptiles, les petits mammifères… ont leur efficacité, mais ce sont surtout de nombreuses espèces d’insectes qui sont des combattants utiles pour la vigne. On donnera ci-après un aperçu de six ordres principaux :
Coléoptères, la ½ du contingent : coccinelles* (bête à bon dieu, ogre des pucerons), clérides, carabe**, staphylins**.
Hétéroptères : punaises, anthrocorides (orius*), nabides*, mirides
Névroptères : chrysopes* ** ou lion des pucerons, hémérobes* **
Diptères : tachinaires**, syrphes, cécidomyies
Hyménoptères : surtout les micro**, des parasitoïdes qui infestent les larves et les adultes, principalement Anagrus atomus
Acariens prédateurs : typhlodromes* (plusieurs espèces)
Ces prédateurs consomment ou parasitent les larves ou les adultes de ravageurs. Une coccinelle peut manger entre 25 et 50 larves de pucerons par jour. Beaucoup d’entre eux sont commercialisés pour être introduits de façon permanente ou à la demande, en invasif.
Ennemis des cicadelles*, des tordeuses et pyrales**
Agroforesterie
La pratique historique de mélanger arbres et cultures a disparu avec l'intensification agricole. Les anciens en tiraient deux avantages : une augmentation de production favorable à l’autarcie et une complémentarité constatée par l’expérience à cause des bénéfices environnementaux : ombre pendant l’été (feuillus), biodiversité car chaque espèce est accompagnée d’une faune et d’une flore spécifiques, protection de l’érosion, stockage du carbone…On redécouvre et explique l’intuition des paysans. Les travaux de l’INRA sont aujourd’hui largement diffusés. On y trouve en particulier des résultats d’essais menés depuis 20 ans sur les cultures annuelles (maraîchage) ou pérennes (viticulture) qui proposent d’heureuses associations selon la production envisagée.
Lutte biologique
Le maintien ou la création d’une biodiversité de voisinage constitue l’acte passif, naturel, de la lutte biologique. Il assure l’équilibre prédateurs / ravageurs de telle façon que ces derniers ne fassent pas de dégâts notoires, que leur peuplement soit contenu dans des limites acceptables. Dans certains cas on est amené à aider la nature par des moyens biologiques illustrés par la lutte contre le vers de la grappe et la flavescence.
Vers de la grappe
Les larves de deux petits papillons, la cochylis (eupoecilia ambiquella) et l’eudémis ou tordeuse de la grappe (lobesia botrana) s’introduisent très tôt dans la grappe et y font des dégâts très préjudiciables à la qualité. Trois recours possibles :
La confusion sexuelle en diffusant des phéromones de synthèse, spécifiques selon l’espèce, qui empêchent le mâle de retrouver la femelle, laquelle pond des œufs stériles. On dissémine 500 petites boîtes (diffuseurs) par ha avec un minimum de 8 ha d’un seul tenant.
Le piégeage sexuel : des pièges à fond englué avec une capsule diffusant des phéromones spécifiques pour capturer les mâles
Au moment de l’éclosion des œufs l’application d’un mélange de sucres, d’huile végétale et d’une bactérie entomo-pathogène (bacillus thuringiensis). Après ingestion, la bactérie produit une endotoxine qui dissout l’épithélium intestinal du ravageur ; ce qui provoque une septicémie fatale.
Cicadelles
Empoasca vitis, la cicadelle verte, connue aussi sous le nom de cicadelle de la grillure. Sa larve provoque des grillures par ses piqûres à la face inférieure de la feuille. Le seuil d’intervention est de 100 larves pour 100 feuilles autour de la floraison, et 50 larves pour 100 feuilles en été. En général la population est bien contrôlée si ses ennemis naturels sont en nombre suffisant.
Scaphoideus titanus est la cicadelle de la flavescence dorée est un ravageur de la vigne de l’ordre des homoptères (comme la cigale). L’adulte, de forme allongée, marbré de brun et de jaune, mesure de 6 à 7,5 mm. Se nourrissant des feuilles, elle transmet un micro-organisme qui diffuse dans le phloème (réseau vasculaire) de la plante. Absorbé à nouveau par l’insecte, ce phytoplasme (proche d'une petite bactérie, dépourvu de paroi cellulaire) se propage ensuite aux autres ceps. Dès la seconde année on diagnostique parfois la maladie par des symptômes foliaires confirmés par un test (ELISA, PCR) réalisé par le SRPV (Service Régional de la Protection des Végétaux). Mais la maladie peut ne s’extérioriser qu’au bout de plusieurs années alors que le cep est infecté. Venue des Etats Unis dans les années 50, elle s’est propagée dans toute l’Europe viticole.
Comme pour la cicadelle verte, la faune naturelle peut contenir la population à un niveau très bas : la chrysope, l’orius (punaise ravageuse), la coccinelle, les acariens (typhlodromes), la guêpe parasitoïde (Anagrus atomus) sont des prédateurs efficaces…Certains d’entre eux peuvent être inoculés. De nombreuses études et essais de plein champ sont en cours.
En dernier recours on passe aux insecticides. Les moyens de lutte chimique sont particulièrement limités en agriculture biologique. Il existe une seule spécialité commerciale homologuée à base de pyrèthre. Attention cet insecticide est à spectre large et détruit donc la faune auxiliaire. L'emploi de tout autre insecticide fait perdre la certification "agriculture biologique", même dans le cas où la parcelle concernée se trouve dans un périmètre défini de lutte obligatoire préfectorale contre la cicadelle de la flavescence et même si celle-ci est indemne ! Il n'existe pas de seuils d'intervention.
Insecticides en bio (liste non exhaustive)
Soufre, substance minérale sous diverses formulations
Pyréthrines naturelles (pyrèthre naturel) comme le PyrevertR et le CicadorR issus de chrysanthenium cinerariaefolium du Kenya ou d’Australie (6 molécules : pyréthrines I et II, cinérine I et II, jasmoline I et II) sont neurotoxiques. Compte tenu de leur toxicité sur la faune auxiliaire et les abeilles, elles ne sont homologuées en viticulture bio que pour lutter en dernier lieu contre la flavescence dorée.
Huiles végétales (menthe, pin, carvi…),
Kaolinite calcinée : substance minérale (argile)
Sel de potassium d’acides gras (savon mou)
Huiles minérales dérivés du pétrole
Bacillus thuringiensis (bactérie voir Elicitation)
Spinosad, d’origine naturelle, qui a été découvert prés d'une rhumerie des Iles Vierges. Il est issu d’une bactérie Saccharopolyspora spinosa qui produit deux métabolites biologiquement insecticides, les spinosynes A et B. Ces molécules naturelles sont la matière active du Success 4R, insecticide sélectif, ovicide et larvicide mais également actif sur certains insectes adultes (pyrale, cochylis, eudémis, eulia, thrips, drosophile) tout en respectant la faune .
Roténone, une molécule organique, naturellement produite par certaines plantes tropicales, toxique pour de nombreuses espèces d'animaux à sang froid. Autorisé jusqu’en 2011.
Beaucoup de ces insecticides peuvent être fatals à la faune auxiliaire si celle-ci ne trouve pas refuge dans les abords pour recoloniser le milieu.
Lutte contre le mildiou
Le seul traitement utilisé en bio est le cuivre sous plusieurs formes : sulfate, hydroxyde, oxychlorure, oxyde cuivreux. Mais se pose la question de sa toxicité pour la vie microbienne du sol (pas pour l’homme). Ce qui constitue l’argument majeur et ridicule des « antibio » qui utilisent des substances mortifères pour les utilisateurs, dont certaines se retrouvent dans l’écosystème…et dans le vin. La loi européenne AB autorise une dose maximum de 6 Kg/ha/an sur 5 ans, soit dans cette période moins de 30 Kg/ha.
Etude 2000 – 2009 de l’utilisation du cuivre en France auprès de 185 exploitations en AB (8%) par l’ITAB (Institut Technique de l’Agriculture Biologique)
Millésime à forte pression nationale (2001, 2002, 2007, 2008 : 4 millésimes / 9)
Nombre total de traitements : 3 à 30, moyenne 9 à 12, entre 5 et 15 dans les régions humides : Champagne, Alsace, Bourgogne, Loire, Aquitaine (pas plus touchée d’ailleurs que les autres régions, ce qui contredit le discours « chimiquement correct » des institutions viticoles bordelaises).
Quantité de cuivre/traitement : 250 à 800g, selon le stade, la pression, le vigneron.
Quantité totale/ha/an : entre 4 et 6 kg, minimum 0,7, maximum 12 ; 22 vignerons < 4 kg, sûrement dans le Sud.
Millésime à faible pression (2003, 2005, 2009)
Nombre total de traitements : 5 à 7
Quantité de cuivre/traitement : 250 à 800 g, selon le stade, la pression, le vigneron.
Quantité totale/ha/an : entre 2,5 et 3,6 kg soit 2 fois moins qu’en forte pression, minimum 0, maximum 5 kg en Champagne et Aquitaine.
Produits utilisés
A base de cuivre : hydroxyde et sulfate en majorité, oxyde cuivreux (NordoxR)
Préparations de plantes en complément ou en mélange avec du Cu pour en réduire les doses et le nombre de traitements : prêle, ortie, saule, achillée… en macération ou en tisane fermière (voir expérimentation suivante)
Cuivre + oligoéléments (bore, molybdène, Zn) : CuivrolR
Gluconate de cuivre : LabicuperR, un produit systémique qui permet de baisser les doses de Cu.
Antagonistes, bio-stimulants, cicatrisants qui renforcent la cuticule en association avec le cuivre dont on peut diminuer les doses : Silicate de Na et de K ; argiles fines + extraits de prêle (MycosinR) ; bicarbonate de Na (poudre à lever) ; lithotamne (diatomées) (FertifeuilleR).
Eliciteurs qui renforcent les défenses naturelles (SDN) : extrait de trichoderma harzianum, un champignon microscopique (TrichodexR) ; la chitine issue de crustacés (ChitoplantR) ; la laminarine extraite d’une algue, la laminaire, (IodusR)
Essais d’alternatifs au cuivre (SDN) seuls ou associés au Cuivre par la Chambre d’Agriculture de la Gironde
AgroceanBR : laminarine ;
FertisainR : enzyme de trichoderma harzanium + Mn + Zn ;
StimulaseR : enzyme de trichoderma + Mgo + 10% Soufre.
Ces SDN ne sont actifs qu’associés au cuivre dont on peut diminuer les doses.
Le gluconate de cuivre : LabicuperR, essayé en 2007 et 2008, a donné des résultats comparables aux références cupriques. Ce produit permet de réduire les quantités de cuivre métal.
Essais sur l’efficacité de préparations à base de plantes associées au cuivre, réalisés en 2005 par l’Organisme Professionnel de l’AB d’Alsace (OPABA)
Une parcelle de Pinot noir a reçu huit traitements tous les huit jours et on a comparé :
Hydroxyde de Cu à 50% à 0 kg/ha - 0,5 kg/ha – 1,5 kg/ha
Macération prêle + ortie (J3C Agri)
Tisane fermière d’ortie
Ces préparations ne peuvent protéger efficacement sans cuivre. Les tisanes fermières, en extemporané (24 h de délai maximum avant l’emploi), sont les plus efficaces et de préférence en mélange avec le cuivre. Voir ci-dessous un comptage fin août avec mesure de l’IGA, l’Indice Global d’Attaque/100
Témoin non traité…………80
Cu à 0,5 Kg/ha……………58
Cu à 1,5 Kg/ha (référence)..50
Plantes seules………………77
Macération + Cu 0,5 kg……47
Tisane fermière+ Cu 1,5 kg. 35
L’effet chitinase (SDN) n’a pas été constaté
Le moindre effet des macérations viendrait de l’augmentation de vigueur qu’elles provoqueraient et donc de l’hypersensibilité consécutive.
Des essais en 2006 pour Biodyvin, par le laboratoire Inigma, confirment ces résultats et évoquent une réduction de 10 fois la dose de cuivre.
Lutte contre la pourriture grise
Pas de traitement curatif en AB. Privilégier la prévention en réduisant la vigueur, en aérant les grappes et utiliser les mêmes produits de contact que ceux utilisés contre le mildiou, pour renforcer les pellicules.
A part l’emploi de Bacillus subtilis (voir Elicitation) la plupart des SDN sont au stade d’essais de laboratoire ou de plein champ.
Conclusion sur les pratiques en AB
La réactivation des sols est le premier pas vers la biodiversité et l’autonomie de la vigne. La plante est en partenariat actif et favorable avec la faune du sol et avec celle de l’environnement immédiat. Le retour à l’équilibre pendant et après la conversion se mesure par des analyses de sols et des comptages aériens d’insectes. Au bout de 5 ans la vigne peut se défendre contre ses ennemis héréditaires et s’auto-suffire en matière de fertilisation.
On a démontré que les raisins issus de l’agriculture biologiques sont plus riches en polyphénols. Pour se défendre elle en produit plus comme d’ailleurs des substances bioactives comme les Oméga 3. Il en est ainsi pour les produits laitiers issus d’animaux qui broutent de l’herbe et non des céréales qui en sont dépourvus.
L’exploration de cette viticulture naturelle demande beaucoup d’engagement, de curiosité, de ténacité et d’humilité pour modifier les comportements de la viticulture conventionnelle. Un retour à l’observation de la nature s’impose pour mettre la vigne en phase avec son écosystème et obtenir une stimulation optimale de ses défenses naturelles. La diversité génétique et les différences d’âge seront les garants d’une plus grande résistance aux maladies et aux ravageurs. A ce prix là, la vigne est prédisposée à être le meilleur vecteur du terroir. Le viticulteur bio apprend à stimuler la vie et non à la détruire sous prétexte que la science pourrait être maître de la nature. La chimie a tué des hommes et dévoyé des terroirs, elle doit, de gré ou de force (consommateur, législateur) les quitter.
LA BIODYNAMIE
Le Syndicat des Vignerons en Biodynamie (SVBD) exige que ses adhérents soient déjà certifiés en bio sur l’ensemble du domaine et respectent un cahier des charges spécifique. Le cahier des charges de l'agriculture biologique est légal, il est publié sous la forme d'une loi au JO, et de même pour la règlementation européenne. La Biodynamie, par contre, est revendiquée par des associations ou sociétés privées qui ont leurs propres règles internes (Demeter, Biodyvin).
La Biodynamie relève d’un concept philosophique d’explication globale (holisme) édicté par Steiner et appliqué à l’agriculture. Les êtres vivants sont reliés à la nature et subissent, au rythme des saisons, de la position des planètes (lune, soleil…), des influences vitales plus ou moins fortes. En dépit d’extrapolations parfois déroutantes pour le béotien, cette pratique s’inspire tout simplement de la sagesse des anciens centrée sur l’observation et l’expérience. Et rien, jusque là, ne peut nous amener à douter des vertus du calendrier lunaire pour décider du type et du moment de telle ou telle opération viticole. D’ailleurs bon nombre de bio ou de conventionnels y ont recours, à la recherche d’une meilleure efficacité de leurs interventions.
Plus encore, la Biodynamie, telle que son nom l’indique, est dynamique, proactive, dans le sens où elle vise le changement d’état par la dynamisation de préparations spéciales épandues souvent à doses homéopathiques.
Des préparations spécifiques végétales, animales ou minérales dynamisées.
La dynamisation consiste à brasser la préparation très faiblement concentrée dans de l’eau tiède pendant 1 h, manuellement ou mécaniquement (dynamiseur), selon un mouvement en spirale, régulièrement inversé pour créer un vortex au centre du liquide. Les préparations principales sont
Née en 1923, Maria Thun a fondé un institut de recherche indépendant en Allemagne où elle effectue chaque année, avec son équipe, une multitude d’expérimentations sur l’influence des planètes (lune, soleil, terre) et de leurs positions relatives selon la saison. Elle en a conçu un calendrier qui fixe les périodes des façons aratoires et des inte
Le cahier des charges interdit, dans la mesure du possible, tout additif dans le vin sauf, par nécessité, le SO2 limité à 50% de la dose maximale autorisée, soit pour les vins rouges < 80 mg/l de SO2 libre. Les praticiens de la Biodynamie affirment haut et fort la supériorité de la méthode comparativement au bio simple en invoquant une meilleure résistance de la plante aux agressions et qualitativement une meilleure expression du terroir. Quand on prend connaissance des pratiques énumérées précédemment et que l’on cherche à comprendre avec un raisonnement scientifique, on reste sur sa faim, particulièrement si on remonte aux textes d’origine et aux réponses déconcertantes de Steiner aux questions des « biodynamo-sceptiques ». Steiner avait une vision vitaliste de l’univers, affirmant les connexions astrales avec les éléments chimiques (O, C, N, S) et particulièrement avec les organismes vivants, végétaux et animaux. Rien n’a été démontré, ce sont des hypothèses que Steiner a formulées dans son fauteuil et qu’il a appliquées à l’agriculture selon des préconisations pour le moins étranges. Tout spécialement les préparations contenues dans des organes animaux et enfouies l’hiver dans le sol. Chaque plante a une vertu, par exemple au sujet du mille-feuille « ses composés soufrés lui permettent de rayonner à grande distance », « l'éther bouge à l'aide du soufre dans les voies de l'oxygène ». Autrement dit le soufre est l’élément clé pour recevoir les forces cosmiques. Pourquoi dans une vessie de cerf ? « Car elle est connectée au cosmos ». On donne ainsi à cette plante « un pouvoir accru pour combiner le soufre aux autres éléments » ! Et ainsi de suite pour les autres préparations possédant chacune leurs spécificités mais qui ne bénéficient pas dans les textes d’explications différentes.
Certains praticiens de la Biodynamie sont très versés en anthroposophie et considèrent la méthode pas seulement pour son efficience matérielle (physico-chimique) mais intégrée dans un tout « vitaliste » où la spiritualité (croyance) trouve sa place. D'autres sont moins convaincus mais en appliquent néanmoins les méthodes.
Les doutes que peuvent nourrir ces pratiques ne remettent pas en question l’influence des astres et spécialement celui de la lune – les anciens y étaient très attachés – ainsi que le talent de beaucoup de viticulteurs en Biodynamie. La recherche agronomique devrait se pencher sur le sujet pour tenter de trouver les causes scientifiques de l’efficacité des préparations homéopathiques dynamisées. S’il y a de nobles raisons d’élaborer un vin propre et bon, il ne faut pas pour cela rester dans l’ignorance. Peu importe que la Biodynamie ne puisse satisfaire les agronomes rationalistes, puisque ses principes de base concourent à renforcer les liens du végétal avec son écosystème pour qu’il se défende mieux contre l’adversité. Donc, potentialiser l’effet terroir dans le vin, qui plus est sans l’utilisation de la chimie.
L’ELICITATION EN VITICULTURE
Ce mot « élicitation » - de l’anglais to elicit (provoquer) – est capital en bio car il signifie l’auto-défense naturelle ou celle que l’homme peut induire artificiellement. Lorsque une plante est attaquée, elle réagit comme le corps humain en développant des réactions physiologiques à l’origine de métabolites dits éliciteurs endogènes susceptibles de s’opposer à la progression de l’ennemi. La connaissance de ces mécanismes étudiés depuis longtemps par l’Institut de la Vigne et du Vin Jean Guyot à Dijon et maintenant par de nombreux centres de recherche publics et privés (ISVV Bordeaux, INRA Colmar, Champagne…) a permis d’élaborer des éliciteurs exogènes de plein champ qui miment l’invasion pathogène. Ce sont des substances, naturelles pour la plupart, biodégradables, non susceptibles d’accoutumance car elles interviennent naturellement dans la physiologie de la plante et dépourvues de toxicité. Elles sont dites de Stimulation des Défenses Naturelles (SDN).
Physiologie simplifiée de quelques éliciteurs
La défense naturelle des végétaux s’exerce à deux niveaux
La défense passive par les barrières mécaniques (cuticule, pellicule, paroi pecto-cellulosique) qui s’opposent à la pénétration du pathogène. Certaines substances naturelles ont le pouvoir de la renforcer : silicate de Na et K ; bicarbonate de Na (poudre à lever) ; extrait de prêle ; argiles fines ; diatomées ; sulfate de cuivre ; soufre…Si les parois externes sont franchies, la plante met en place une défense active.
La défense active (inductible) : l’agent pathogène émet une protéine (éliciteur exogène) qui est reconnue par une protéine codée par le gêne de résistance. En quelques minutes il y a production de molécules (éliciteurs endogènes) capables de freiner, bloquer ou tuer l’agresseur. Ce sont les phytoalexines et les protéines ou autres composés associés tels que protéine PR, glycoprotéines, 1-3 béta glucanase, chitinase, phénols (resveratrol), peroxydase, acide salicylique, acide jasmonique, éthylène…Beaucoup de ces substances sont étudiées, avec des essais en laboratoire puis de plein champ ; peu sont homologuées. Leur rôle est de mettre la plante en éveil avec une application avant l’attaque des champignons et après.
Citons quelques exemples qui ont une efficacité sur le mildiou, par faible pression, en association avec le cuivre, et parfois sur le botrytis
La laminarine (béta 1-3 glucanase), (IodusR) extraite d’une algue, la laminaire.
Le chitosane, un polysaccharide extrait de crustacés, (ChitosanR, ChitoplantR, ChitagoR )
L’enzyme de trichoderma harzanium + Mn + Zn, (FertisainR)
L’enzyme de trichoderma harzanium + Mgo + 10% Soufre, (StimulaseR )
Certains éliciteurs agissent sur la cascade des signaux mobilisateurs des défenses au lieu de mimer l’agression.
Cas particulier des mélanges de bactéries contre le botrytis
On connaît depuis quelques années l’action élicitatrice de Bacillus subtilis utilisé en bio comme en conventionnel. Une étude montre qu’à partir du spectre bactérien d’un cru on peut obtenir une efficacité plus grande avec des mélanges de bactéries.
La faune de la rhizosphère constitue une réserve insoupçonnée de micro-organismes ayant des capacités d’induire des protections naturelles. Une étude d’un laboratoire champenois (Trotel – Aziz et al.) a mis en évidence les facteurs d’efficacité des bactéries :
Actions préalables
Une première démarche consiste à obtenir une certification en viticulture raisonnée (Terra Vitis) qui oblige à réduire les intrants en prenant conscience des risques sanitaires et environnementaux. C’est un premier pas vers le lâcher prise chimique et un premier stade vers l’autonomisation de la vigne dans un écosystème en équilibre. Cette période transitoire peut aller de pair avec un bilan général et biologique des sols, parcelle par parcelle. Claude et Lydia Bourguignon, laboratoire LAMS, sont des spécialistes qui croisent deux mesures pour définir et suivre la vie du sol. D’une part le comptage de la méso-faune ou macrofaune (entre 0,2 et 4mm) : acariens, collemboles et petits insectes par masse de terre. La biodiversité s’évalue par le nombre d’espèces différentes et le nombre d’individus par espèces, ce qui permet de suivre l’évolution de la vie du sol à la suite du changement de viticulture, d’autre part, la mesure de l’activité enzymatique représentative du peuplement de la microfaune (bactéries, levures, champignons…). Relancer l’activité biologique des sols permet un passage en douceur à la viticulture bio.
Il faut faire aussi un bilan de la biodiversité de la faune de surface (auxiliaires) dans les différents habitats autour des parcelles. Il s’agira de renforcer ou de créer une biodiversité végétale suffisante dans et hors la vigne susceptible d’accueillir la faune alliée. Une méthode rapide (RBA : Rapid Biodiversity Assessment) donne une estimation par comptage des arthropodes (la majorité des sujets) par discrimination visuelle selon la morphologie. Comme pour le sol, la richesse de la biodiversité se chiffre par le nombre de groupes différents et par le nombre d’individus pour chacun. On rencontre le plus d’arthropodes dans les bandes fleuries, les zones d’enherbement naturel non entretenues et surtout à proximité des bois. L’ENITA Bordeaux a fait un travail important dans ce domaine. On doit pouvoir y trouver de possibles consultations pour faire le bilan.
Pascal Chatonnet (Laboratoire Excell) propose une étape intermédiaire « - de pesticides + de nature » qui paraît intéressante pour se préparer au grand saut. www http://www.plus-nature-moins-pesticides.fr/
Biodynamie directement ou d’abord en bio ? Certains jeunes vignerons démarrent directement en Biodynamie puisque, d’après les pratiquants, cette méthode est un bio+.
IMPACT ECONOMIQUE DE L’AB
Le passage à l’AB a un impact important sur la structure et le fonctionnement de l’exploitation :
L’augmentation de la main d’œuvre pour la surveillance du vignoble et pour un plus grand nombre d’interventions sera, en partie, compensée par l’économie sur les produits phytosanitaires et par la motivation des vignerons pour œuvrer dans un vignoble propre.
Des investissements spécifiques particulièrement en Biodynamie (matériels)
Une baisse des rendements de 10 à 25% en raison de l’impact des systémiques sur la vigueur et d’éventuelles pertes de récolte, surtout lors de la conversion. Le temps que la vigne s’autonomise et mette en place ses propres mécanismes de défense.
CERTIFICATION
L’état français reconnaît le bio depuis 1981. Le règlement européen de 1992 (CE 2092/91) définit un cahier des charges restrictif :
Ne pas utiliser de produits chimiques de synthèse et respecter une liste de produits autorisés ; tout le reste est interdit et
Etre certifié par un organisme de certification agréé.
Label AB et label Européen
Avant 2012 le vin Bio n’existait pas ; il ne pouvait qu’être « issu de raisins produits en agriculture biologique ». Depuis le millésime 2012, le logo français AB et le logo européen indiquent que le vin est Bio ; que sa vinification et son élevage sont conformes à un nouveau cahier des charges plus restrictif que pour le vin non Bio. Et en particulier pour les doses maximum de soufre autorisées dans le vin : 100 mg/l pour les vins rouges et 150 mg/l pour les vins blancs et rosés.
La mention AB sur les étiquettes ou les contre étiquettes remonte à 2005, elle est facultative. Ce label appartient au Ministère de l’Agriculture (INAO) qui délègue ses pouvoirs à des organismes de certification (OC) agréés. : ECOCERT (80%) et quelques autres comme QUALITE FRANCE, AGROCERT, CERTIPAQ, SGS-ICS, ACLAVE, ULASE…Le logo communautaire « agriculture biologique » obéit aux mêmes règles, il est aussi facultatif. Ces labels et les autres ne portent pas sur des critères organoleptiques. Un produit bio n’est pas obligatoirement meilleur qu’un produit non bio. Mais c’est souvent le cas.
Autres labels privés plus contraignants ou A B +
Les certifications privées ne sont pas reconnues par la CE. D’ailleurs « la profusion de labels bio a conduit la commission européenne à mettre en place un règlement et un label unique européen, en place depuis juillet 2010. A terme il devrait se substituer au logo AB, le plus connu du public. Le problème est que ce label est moins exigeant que le label AB lequel est depuis aligné sur la norme européenne sans que le consommateur en soit informé» d’après l’article de Sud Ouest du 27 09 2010 par Thierry Magnol.
Trouvant que le cahier des charges de l’AB n’est pas assez contraignant et surtout ne s’arrête qu’à la production de raisins, des associations privées de vignerons associés parfois à des négociants et des consommateurs ont cherché à réduire les intrants et les pratiques œnologiques dans l’élaboration du vin et à aller plus loin dans la culture (Biodynamie). Il s’agit d’élaborer une charte qui protège encore plus le consommateur et de faire vérifier son respect par un des organismes susnommés pour la délivrance du label.
En effet, en viticulture conventionnelle, raisonnée ou AB, plus de 75 produits œnologiques sont autorisés pour activer les fermentations (sulfate et phosphate d’ammonium, levures du commerce, thiamine, enzymes…) ; modifier la couleur (charbon, caramel…), la composition du vin (enrichissement, désacidification, acidification, aromatisation par copeaux… ; clarifier (colles de poisson, bovine, porcine, tannin, caséine, gélatine, ovalbumine, bentonite, kaolin, diatomées…) ; stabiliser (acide citrique, gomme arabique, acide métatartrique…) ; conserver (O2, N2, Argon, CO2, soufre, acide sorbique…) comme de nombreuses techniques physiques de chai pour enrichir par déshydratation (osmose, évaporation sous vide, cryoextraction…) ; soustraire (alcool, acidité volatile…) ; traiter à la chaleur (thermovinification, flash pasteurisation…) ; filtrer ; centrifuger…etc. Sans qu’on soit obligé de le mentionner sur les étiquettes, ce qui sera certainement la règle dans un proche avenir
Ces labels privés proposent en plus une charte d’élaboration du vin restrictive, comme par exemple le refus des OGM, une limitation des doses totales de SO2 et l’usage, de préférence, des produits œnologiques bio.
+ Label BIOCOHERENCE (à partir de 2011) de la FNIVB (Fédération Nationale Interprofessionnelle du Vin de l’Agriculture Biologique) est une association qui réunit des producteurs et des distributeurs bio. Elle a réagi par ce nouveau label à l’alignement de l’AB (français) sur le nouveau label européen moins strict.
+ Label NATURE ET PROGRES de F I A E (Fédération Internationale d’Agriculture et d’Eco-biologie) regroupent professionnels et consommateurs. La charte impose des restrictions dans les pratiques œnologiques et édicte la trame d’une philosophie qui défend une société humaniste, écologique et alternative.
Labels en Biodynamie qui attestent que le vin est issu de raisins répondant au cahier des charges de la Biodynamie ainsi qu’à une charte œnologique encore plus sévère. Dans l’idéal, il est recommandé de ne mettre aucun additif si ce n’est du soufre (SO2) sans jamais dépasser la moitié de la dose autorisée (160 mg/l). Deux entités qui font contrôler la charte par un des organismes de certification déjà cités :
+ Label DEMETER accordé par l’association DABD (Demeter Agriculture Bio-dynamique).
+ Label BIODYVIN délivré par le SIVCBD (Syndicat International des Vignerons en Culture Bio-Dynamique) après expertise d’Ecocert. Certaines pratiques oenologiques sont tolérées si le domaine s’engage à mener des expérimentations pour réduire les doses ou les bannir du processus d’élaboration.
Par ailleurs un programme d’étude ORWINE est lancé pour permettre à la commission européenne de fixer les normes du vin bio alors qu’aujourd’hui n’est bio que le raisin. Les experts français, suisses, allemands et italiens, n’ont pu se mettre d’accord sur la dose maximum de soufre autorisée. L’Allemagne et d’autres pays de la CE pratiquant un négoce de vin de bas de gamme, ne peuvent admettre, pour l’heure, les limites plus contraignantes réclamées par les autres pays et particulièrement ceux du Sud qui y recourent à doses plus faibles. Il faudra par ailleurs statuer sur l’utilisation ou pas, et dans quelles conditions, des additifs et techniques possibles prévues par la commission européenne pour corriger, clarifier, stabiliser, aromatiser…. Le débat sur les levures du commerce ou pas (autochtones) risque d’être âpre aussi puisque les professionnels avertis savent qu’on fait du meilleur vin (moins de déviants) avec des levures sélectionnées du commerce (à condition de bien les choisir pour leur neutralité aromatique), mais elles ne correspondent pas au discours que veulent entendre les consommateurs, discours relayé par la plupart des bio. On a suggéré l’interdiction des OGM dans les additifs (tolérance actuelle < 0,9%), qui le sont en totalité pour certains labels privés.
Enfin pour être certifié il faut payer, ce qui, d’après les utilisateurs est un comble. Il faut payer pour prouver qu’on ne pollue pas. D’habitude le payeur c’est le pollueur !
CONSULTANTS
François Despagne : vigneron à Saint Emilion (1 cru en bio et 3 crus en conversion), consultant en viticulture et spécialisé en Bio f-despagne@grand-corbin-despagne.com 05 57 510838
Bertrand Sutre, bertrand.sutre@biovitis.fr http://biovitis.fr
Spécialiste de la biologie des sols : LAMS Claude et Lydia Bourguignon 21120 Marey sur Tille contact@lams-21.com www.lams-21.com 03 80 75 61 50
Spécialiste des sols Yannis Araguas : 05 57 84 07 87 Ingénieur – Géologue / Géotechnicien (fondateur) du bureau d'études A.F.G. Membre du BRDA, adepte de la méthode Hérody - afge.lugasson@free.fr www.asteries.vinoe-tech.com 05 57 84 07 87
Gérard Ducerf spécialiste des plantes bio-indicatrices
L’EXEMPLE DE GRANDS DOMAINES EN BIO & BIODYNAMIE
Le bio est une agriculture de bon sens, le retour à un monde paysan oublié, un monde qui (re) vit avec la Nature et non contre elle. Loin d’être une attitude nostalgique, voire baba-cool, elle est d’abord une éthique, sinon une philosophie, mais aussi une démarche volontariste éclairée pour utiliser au mieux les ressources naturelles tout en respectant la santé des hommes. Ecouter la nature, l’observer au rythme des saisons et du climat versatile, prendre les bonnes décisions, pour que l’harmonie, l’équilibre dans lequel vit la plante soient préservés ou tout au moins peu modifiés. Telle est la perspective du vigneron bio. Les témoignages des pionniers (> 20 ans) sont éloquents. Lire à ce sujet l’excellent ouvrage « Le Terroir et le Vigneron » Ed. Terre en Vues, de J. Rigaux qui fait parler, écrire, entre autres, de grands vignerons français en AB. Ils s’accordent à dire qu’en bio les vignes poussent mieux, sont en meilleure santé, y compris vis-à-vis des maladies dégénératives (Esca, court-noué, eutypiose…) car elles retrouvent une immunité naturelle. Et surtout, les vins sont meilleurs, plus purs, plus fins car plus proches de l’essence du terroir. L’élevage se passe mieux, au final les vins se dégustent mieux, avec plus d’énergie, de fermeté, de densité, de vivacité… et un fruit plus éclatant. Les notions d’équilibre, d’harmonie tant recherchées pour la plante se retrouve dans le vin. Toutes proportions égales par ailleurs (terroir, porte-greffe, cépage, âge des vignes, culture, rendement, maturité, vinification, élevage…), le bio, et plus encore, a priori, la Biodynamie, satisfont à des impératifs hautement qualitatifs et hygiéniques. Il est à noter que beaucoup de ces grands crus font du bio sans le dire alors qu’ils sont certifiés, tandis qu’à l’opposé, et principalement à Bordeaux, on fait du bio depuis 30 ans avec, pour beaucoup d’AOC régionales, le dessein de s’en servir comme « un colifichet inconsistant et trompeur accroché à l’étiquette » Jean François Bazin dans « Le Vin Bio, Mythe ou Réalité », excellent ouvrage chez Dunod 2007.
Une nouvelle génération de vignerons bordelais, dans toutes les appellations, y compris parmi les Crus Classés, contredisent l’argument simpliste avancé par la profession « en Aquitaine, avec le climat océanique, on ne peut pas cultiver la vigne en bio ». Voici une liste non exhaustive d’excellents crus certifiés en bio ou en Biodynamie :
BORDEAUX
Pascal Amoreau : ch. Le Puy (Côtes de Francs) ; Paul Barre : ch. La Grave (Fronsac) et La Fleur-Cailleau (Canon-Fronsac) ; Alain Moueix : ch. Fonroque et Moulin du Cadet Cru Classé (CC) (Saint-Emilion) ; Corine Comme : ch. du Champ des Treilles (Sainte-Foy Bordeaux) ; Nicolas Despagne : ch. Maison Blanche (Montagne Saint Emilion) ; Nathalie Despagne : ch. La Rose Figeac (Pomerol) ; Pierre et Lucille Carle : ch. Croque Michotte (Saint-Emilion) ; Claire Laval et Dominique Techer : ch. Gombaude-Guillot (Pomerol) ; François Despagne : ch. Grand Corbin Despagne CC (Saint-Emilion), ch. Le Chemin (Pomerol), ch. Ampelia (Côtes de Bordeaux-Castillon) ; Alfred Tesseron : ch. Pontet-Canet CC (Pauillac) ; Bénédicte et Grégoire Hubeau : Moulin Pey Labrie (Canon-Fronsac) ; Dominique Hessel : Ch des Annereaux (Lalande de Pomerol) ; André Chatenoud : ch. de Bellevue (Lussac-Saint-Emilion) ; Jean Marie Bouldy : ch. Bellegrave (Pomerol) Caroline et Laurent Clauzel : ch. La Grave Figeac (Saint-Emilion) ; Christophe Landry : ch. des Graviers (Margaux) ; Thomas Duroux : ch. Palmer CC (Margaux) ; Gonzague Lurton : ch. Durfort-Vivens CC (Margaux) ; Xavier Planty : ch. Guiraud CC (Sauternes) ; Joël Duffau : La Mothe du Barry (Bordeaux supérieur) ; Frédéric Mellier : ch. de la Vieille Chapelle (Bordeaux supérieur) ; Bruno Martin : ch. Rolland La Garde (Côtes de Bordeaux – Blaye) ; Guillaume de la Quintinie : Ch. Segonzac (Côtes de Bordeaux-Blaye), Famille Meynard : ch. Mémoires (Cadillac) ; Stephan von Neipperg : ch. Canon-Gaffelière CC (Saint-Emilion), Bérénice Lurton : ch. Climens CC (Sauternes) …(liste non exhaustive
Ces vignerons modèles ne font que suivre les pionniers alsaciens et bourguignons qui portent haut, voire très haut, l’enseigne du bio. Le niveau exceptionnel de qualité de certains crus cités ci-après, autant que leur renommée dans le monde entier, renforcent le mouvement de conversion qui, contraint ou forcé, ne demande qu’à s’étendre.
ALSACE
Zind-Humbrecht - Faller - Deiss - Kreydenweiss - Josmeyer - Frick - Bott-Geyl…
CHAMPAGNE
Selosse - Leclert Briant – Jacquesson …
BOURGOGNE
Domaine de la Romanée Conti à Vosne Romanée - Comtes Lafon à Meursault - Lalou Bize Leroy à Auxey Duresses - A.C. Leflaive à Puligny - Comte Armand à Pommard - La Vougeraie (40 ha à Premeaux au sud de Nuits du groupe Boisset) - Drouhin à Beaune et Chablis - Pierre Morey à Meursault - Domaine Arlot (Axa) à Nuits Saint Georges - Cyprien Alaud à Morey Saint Denis - Champy à Beaune - Dujac à Morey Saint Denis - Anne Gros à Vosne Romanée - JL Trapet à Gevrey-Chambertin - Domaine Lescure à Nuits Saint Georges - Domaine Duban à Chavannes - Domaine Amiot Servelle à Chambolle Musigny - Vincent Dureuilh-Jential à Rully - Ch. de Puligny à Puligny - Lafarge à Volnay - JM Brochard à Chablis - Domaine Aubert et Pamela de Vilaine à Bouzeron…
Pour clore le sujet et pour l’anecdote, CORRENS, un village du Var est entièrement bio, depuis la construction jusqu’à l’alimentation. Les 80 agriculteurs dont 3 vignerons indépendants et une cave coopérative (8 adhérents) sont en bio. Le village ne désemplit pas, surtout l’été.
Nous nous sommes détachés de la terre. Il faut rétablir le lien qui y relie.
« Il faut bien que les choses changent pour que tout reste comme avant » Comte de LAMPEDUSA
Œnologue-Consultant, critique indépendant, bloggeur
Commenter cet article